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Le ventre, un second cerveau

Depuis quelques années, des scientifiques explorant l'appareil digestif ont découvert ce qu'ils considèrent désormais comme notre second cerveau. Doté de 200 millions de neurones, notre système gastro-entérique partagerait avec le cortex cérébral le pilotage de notre organisme. Un tandem dont l'analyse poussée pourrait aboutir à terme à des solutions curatives ou préventives pour certaines maladies telles que Parkinson, ou pour combattre l'obésité. Le début d'une odyssée quasi asimovienne : « destination (second) cerveau ».

Le cerveau influencé par des bactéries ?

Notre tube digestif compte près de 100 000 milliards de bactéries. L'ensemble forme ce qu'on appelle le microbiote, ou plus communément, la "flore intestinale". Ces bactéries sont un maillon essentiel à la digestion des aliments et au renforcement de notre système immunitaire.
Mais certains biologistes ont mis au jour un nouvel élément. Les bactéries auraient une grande influence sur le cerveau et par conséquent sur notre comportement. Un chercheur canadien a remarqué que des souris privées de microbiote semblaient beaucoup plus téméraires que celles en possédant un. Pour confirmer cette première observation, le scientifique a choisi deux groupes de souris aux comportement différents. Les premières sont agitées, tandis que les secondes sont calmes. En injectant à chaque groupe les bactéries de l'autre, il s'est rendu compte que les souris calmes devenaient alors plus actives et inversement. Il en va de même avec des souris obèses et des souris de corpulence moyenne. Avec la flore du premier groupe, les souris du second groupe se nourriront différemment et grossiront à leur tour. Et ce qui est valable pour les rongeurs le serait bien pour les humains. Un début d'explication sur une des causes de l'obésité qui pourrait aboutir à une solution pour maigrir révolutionnaire.

Des bactéries...et des neurones !

Ces conclusions apporteraient des réponses (et de nouveaux espoirs) dans la recherche de solutions durables pour remédier à l'obésité. Mais pas que...
Le ventre concentre aussi près de 200 millions de neurones (presque autant que le cerveau d'un chien ou d'un chat) en contact avec ces bactéries. À l'origine : des cellules qui « proviennent du même feuillet embryonnaire que celles du cerveau, qu’elles quittent à un stade précoce du développement pour migrer dans le ventre, où elles forment un système nerveux entérique. » (extrait de The Second Brain, Michael Gershon, professeur de biologie cellulaire). Dans le cadre de la maladie de Parkinson, le système nerveux entérique subit les mêmes lésions que celui du cerveau, mais avant lui. On pourrait donc prévenir la maladie neurodégénérative en effectuant régulièrement des biopsies intestinales (plus précisément, du côlon).

Deux centres névralgiques en communication

Le système nerveux décentralisé aurait d'autres fonctions tout aussi surprenantes. Pour commencer, il entretient des échanges d'informations permanent avec le cerveau par le biais du nerf vague (ou pneumogastrique). Celui-ci convoie de l'un à l'autre des informations sur les sens, les mouvements et les émotions. L'appareil digestif régit notamment nos émotions grâce à la sérotonine que produit notre estomac à 95%. En effet, une infime partie de la sérotonine, un neurotransmetteur passe par les vaisseaux sanguins et remonte jusqu'au cerveau qui analyse ces émotions, pendant que le ventre les gère et les digère. Il pourrait même donner naissance à certaines émotions. Une clé pour comprendre et soigner certains troubles des humeurs ?

Quelles perspectives pour la santé au quotidien ?

Le secteur agroalimentaire se montre de plus en plus intéressé par ces découvertes. Certains investissent même dans les projets de recherche et pourraient inonder le marché de traitements probiotiques nouvelle génération, voire d'alicaments beaucoup plus développés à destination des obèses.

En plus, l'alimentation aurait un très grande impact sur le fonctionnement de notre second cerveau et par conséquent sur le comportement alimentaire. Des chercheurs ont en effet observé que le régime alimentaire influence la structure neuronale de l'appareil digestif. L'absorption d'aliments gras et sucrés pendant l'enfance perturberait ainsi le développement des neurones situés sur les parois de notre système digestif. Le système nerveux entérique serait alors déréglé par cette nourriture trop riche prise en bas âge qui empêcherait par la suite, la disparition naturelle de certains neurones. Encore présents à l'âge adulte, ils indiquent que les besoins alimentaires sont toujours ceux d'un enfant en pleine croissance, alors que ce n'est plus le cas. Une nouvelle approche nutritionnelle dès l'enfance permettrait donc de prévenir ou d'endiguer une certaine forme d'obésité.